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Le rapport IGAS/IGEN - janvier 2002


Enquête sur le rôle des dispositifs médico-social, sanitaire et pédagogique dans la prise en charge des troubles spécifiques du langage

Rapport des Inspections Générales de l'Éducation Nationale et des Affaires Sociales - Janvier 2002
(publié sous les n° 2002-003 pour les Affaires sociales et 2002-004 pour l'Éducation nationale)

http://www.ladocumentationfrancaise.fr/brp/notices/024000371.shtml

F

On trouvera une présentation commentée de ce document à la page : troubles du langage. Le rapport IGAS/IGEN : commentaire

La mission d'évaluation des dispositifs médico-sociaux et sanitaires participant à la détection, au dépistage, au diagnostic et à la prise en charge des troubles spécifiques du langage, confiée le 6 juin 2001 à trois inspecteurs généraux de l'Éducation nationale (Mesdames Catherine Bizot et Yveline Ravary, et Monsieur Bernard Gossot) et à deux inspecteurs généraux des Affaires sociales (Madame le Docteur Anne-Chantal Rousseau-Giral et Madame Hélène Strohl), correspondaità la mesure n°11 du plan d'action interninistériel 2001-2003 relatif à la prise en charge de ces troubles.

Ce long rapport de la commission d'enquête a été remis en janvier 2002. Il est suivi de son propre résumé, dont nous donnons ci-dessous des extraits. On peut également se procurer ce résumé sur le site de l'association CORIDYS :
http://www.coridys.asso.fr/pages/pol_nat/igas.html

  
Extraits du résumé
Le rapport Ringard avait souligné la complexité des troubles du langage au niveau de leur définition... (Ces troubles) offrent un tableau très contrasté selon les fonctions cognitives altérées et s'accompagnent souvent de troubles associés. (...)
Alors que la problématique de départ consistait à vérifier si les retards et les échecs constatés dans ce domaine étaient liés pour partie aux faiblesses du dispositif de dépistage, et en particulier à des présupposés étiologiques fortement imprégnés par l'approche psychothérapique (présupposés véhiculés par nombre d'équipes médico-sociales comme par exemple les RASED), la mission a élargi son champ d'investigation à l'analyse de l'ensemble du dispositif impliqué (...). Faute de définitions établies et consensuelles des troubles spécifiques du langage et surtout de données épidémiologiques fiables, la mission (...) a privilégié une approche qualitative (...)
 

1. La première partie du rapport est consacrée, d'une part, à l'analyse des dispositifs existants, (...) et d'autre part, à un état des lieux de la situation sur le territoire.

1. 1. les dispositifs pédagogiques et de soins existants : si certains d'entre eux sont spécialisés dans la prise en charge d'enfants en difficulté ou handicapés, aucun n'a été spécifiquement institué pour prendre en charge les enfants souffrant de troubles complexes du langage(...).

- (...) Les structures (scolaires) spécialisées semblent peu adaptées à l'accueil de ces enfants et adolescents, souvent d'intelligence normale ou supérieure (...). Ces dispositifs scolaires pourraient pourtant s'avérer adéquats si la possibilité d'inscrire ces troubles dans une problématique de prise en charge d'enfants handicapés (c'est-à-dire à besoins éducatifs spécifiques) leur était reconnue (1). En revanche, il existe plusieurs formules d'intégration individuelle ou collective en milieu ordinaire, basées sur une démarche de projet, qui autorisent une certaine souplesse et des possibilités d'articulation avec un suivi médical extrascolaire (...).Force est de constater que l'adhésion à cette démarche de projet est loin d'être acquise par tous.
 (1) NDLR - la possibilité d'inscrire ces troubles dans une problématique de prise en charge d'enfants "à besoins éducatifs spécifiques" a été effectivement reconnue par la circulaire n° 2002-113 du 30 avril 2002 relative aux dispositifs de l'adaptation et de l'intégration scolaires dans le premier degré.

- Les dispositifs sanitaire et médico-social (...) , ne prennent en compte que depuis peu les troubles complexes du langage. La mission constate le faible effectif de spécialistes médicaux et paramédicaux bien formés sur le sujet, notamment le déficit en neuropsychologues compétents pour effectuer un bilan neuropsychologique.

- C'est le secteur libéral, en particulier les orthophonistes, qui prend en charge en ambulatoire la majorité de ces enfants, bien que leur formation sur les troubles complexes du langage (oral notamment) soit encore insuffisante, et que la cotation des actes de bilan soit peu intéressante en regard du temps qu'ils impliquent. Or, si l'offre libérale de rééducation (...)s'avère adaptée pour la plupart des formes légères ou modérées, elle est souvent débordée face à des formes sévères impliquant une prise en charge multidisciplinaire coordonnée et un rythme plurihebdomadaire. (...)
- La médecine scolaire quant à elle, reste organisée selon un modèle de bilans systématiques peu compatible avec une intervention ciblée, déclenchée sur signalement de difficultés.
- L'offre ambulatoire institutionnelle offre une palette de structures et un vivier de compétences qui, en principe, les prédisposent à l'accueil des troubles complexes du langage : les CAMSP pour le dépistage et pour un premier suivi des dysphasiques ; mais ils ne disposent pas d'orthophonistes en nombre suffisant et leur compétence s'arrête à 6 ans ; les CMPP reçoivent déjà une grande partie des enfants souffrant de troubles dits instrumentaux, mais un certain nombre d'entre eux n'ont pas la culture neuropsychologique, voire dénient l'existence propre de ces troubles, systématiquement rapportés à une étiologie psychogène ; les CMP, dispensaires du secteur de psychiatrie infanto-juvénile, semblent moins indiqués a priori; ils sont saturés par la prise en charge des troubles psychiatriques, et leurs personnels ne sont pas formés à l'approche neuropsychologique. (...) Enfin, les équipes hospitalières semblent très faiblement impliquées, en dehors de quelques CHU qui ont ouvert des consultations multidisciplinaires spécialisées.
C'est pourquoi les ministères ont décidé de créer des " centres de référence " pour le diagnostic et les préconisations de prise en charge, ainsi que l'articulation des dispositifs existants. Ces centres (...) sont encore trop peu nombreux, même si certains fonctionnent de façon satisfaisante sans attendre le " label ". (...)
 NDLR. On trouvera dans ce site la liste des centres de référence déjà mis en place.
S'il n'existe aucun texte prévoyant, dans le cadre des annexes XXIV, l'agrément d'établissements médico-éducatifs ou de services de soins à domicile pour enfants souffrant de troubles complexes du langage, certains établissements ont créé, pour ces enfants, des sections ou services, au sein de centres pour enfants déficients auditifs ou déficients intellectuels. (...)Mais le danger majeur est que la spécialisation crée un effet filière qui enferme l'enfant dans un assistanat dont il ne peut plus sortir.
Dans ce contexte, les CDES sont en difficulté pour appréhender les dossiers de demandes d'AES, d'orientation ou simplement d'aménagement à l'examen, du fait de leur méconnaissance des troubles complexes du langage et de leur difficulté à évaluer le taux d'incapacité qui en découle pour l'enfant. (...)L'effort récent fait par les centres de référence pour mieux documenter les dossiers présentés en CDES devrait faciliter la tâche des équipes, sous réserve de mieux les former à une approche du handicap comme résultante de désavantages multifactoriels plutôt que de diagnostics inscrits sur une échelle d'incapacités.
 

1.2. Dans les six départements visités, la mission a observé que les parcours des enfants souffrant de troubles complexes du langage relèvent encore trop souvent du parcours du combattant.

La détection est essentiellement le fait des enseignants de maternelle Trois risques à leur niveau ont été soulignés : celui de la stigmatisation trop rapide (...), celui d'une " rétention " prolongée de l'enfant dans un milieu scolaire protégé (...), celui d'un signalement trop hâtif pour une admission vers une structure spécialisée (...). Cette situation peut s'expliquer (...) par la méconnaissance mutuelle des personnels enseignants et médicaux.

(...) Les professionnels spécialisés dans la prise en charge, notamment les orthophonistes risquent de négliger l'approche multidisciplinaire des troubles sévères et de leur rééducation.
(...) A l'heure actuelle, les pratiques de diagnostic sont de qualité disparate : elles souffrent du manque d'équipes pluridisciplinaires et de corporatismes. (...) La création des centres de référence ne pourra que professionnaliser cette étape (...).
La prise en charge est souvent tardive, erratique et inadaptée ; même bien étayée par un bon diagnostic, elle reste complexe : parfois trop légère et trop standardisée, ailleurs intensive, mais inadaptée. (...) Toutes les rééducations ne sont pas efficaces. (...)
Des institutions médico-sociales, notamment des établissements médico-éducatifs pour enfants déficients auditifs, mais aussi des CMPP, ont créé ou proposé des SESSAD ou SSEFIS. La prise en charge extrainstitutionnelle est alors organisée par les professionnels et non plus laissée à charge des parents ; la relation avec l'équipe enseignante et l'institution scolaire est systématisée. Ce dispositif paraît particulièrement bien adapté à la prise en charge des enfants souffrant de troubles complexes du langage sévères. (...) Il n'existe à l'heure actuelle que peu d'accueils possibles en CLIS ou en UPI, pour les enfants souffrant de troubles complexes du langage.
La mission rappelle enfin le problème important, resté sans solution, des enfants souffrant de troubles complexes du langage associés à des troubles du comportement. Ces cas sont loin d'être rares (...).
On constate devant toutes les difficultés à organiser une prise en charge précoce, adaptée et de qualité que les parents ont tendance à demander une éducation spécialisée, c'est-à-dire, la création d'établissements ou de classes spécialisées (...). Une telle solution n'est pas sans risque : d'un point de vue individuel, cette orientation comporte un effet filière non négligeable, qui se renforcerait avec la création de catégories d'établissements spécifiques. La tendance des enseignants à se décharger des enfants qui nécessitent une pédagogie spécifique serait renforcée. (...) Or, l'éducation spécialisée, si elle est nécessaire pour les enfants atteints de troubles complexes du langage sévères, de type dysphasie, serait une erreur d'orientation pour tous les autres, qui ont besoin d'une rééducation organisée, en ambulatoire et d'une pédagogie individualisée dans une classe ordinaire ou intégrée.

Si les solutions de prise en charge pour ces enfants doivent être multiples, diversifiées, évolutives, coordonnant les professionnels du secteur libéral, des institutions scolaires, médico-sociales et sanitaires, ambulatoires et des établissements, le rôle d'orientation des CDES devient primordial. Or à l'heure actuelle, trop d'équipes de CDES font du handicap une approche restrictive.

2. De ces observations, la mission a tiré les propositions suivantes :

Les principales propositions du rapport obéissent à deux orientations fortes : d'une part la nécessité de mettre en place une prise en charge précoce (...) ; d'autre part le souci de ne pas de les ériger en catégorie spécifique de handicap (...)

C'est pourquoi les principales propositions du rapport s'attachent à définir les étapes et les rôles respectifs des différents acteurs dans la détection, le dépistage, le diagnostic et la prise en charge des troubles complexes du langage et les moyens nécessaires à leur mise en œuvre.
- la détection des difficultés d'apprentissage du langage, oral puis écrit relève des enseignants.
- le dépistage (...) doit être effectué de manière ciblée, par les médecins scolaires et si possible ceux de PMI.
- la nécessité d'un diagnostic très complet de la nature et des formes des troubles complexes du langage confirme la nécessité d'une montée en puissance des centres de références, qui ont commencé à recevoir le label pour une vingtaine d'entre eux (...).
- l'avis d'un centre de référence devrait notamment être sollicité pour tout renouvellement de séances d'orthophonie, en libéral ou en CMPP, au-delà de six mois (...).
- la prise en charge doit être diversifiée, évolutive et donner lieu pour chaque enfant à l'établissement d'un projet individuel de prise en charge, avec un professionnel référent, acté par la CDES. (...).
Les dispositifs de prise en charge doivent être diversifiés en fonction de la gravité et de l'ancienneté des troubles.
Seuls les enfants souffrant de troubles complexes très sévères ou de troubles associés, ont besoin d'une éducation en établissement ou section d'établissement spécialisé (...)
Les enfants souffrant de troubles sévères auront besoin d'une scolarisation dans une classe intégrée ou dans une classe ordinaire avec un projet d'intégration et l'appui d'un service de soins à domicile (SESSAD ou SSEFIS) qui leur fournira les prestations de soins et rééducation nécessaire en plus de la pédagogie adaptée. (...) La plupart les établissements et services pour enfants déficients auditifs sont prêts à reconvertir leurs capacités excédentaires dans la prise en charge de ces enfants.
(...)

.Les préconisations pédagogiques à destination tant des enseignants spécialisés que de ceux des classes ordinaires, mais également des réseaux d'aides aux enfants en difficultés sont détaillées dans le rapport. (...)

Le rapport n'est pas favorable à la création de catégories juridiques spécifiques pour les établissements et services prenant en charge les enfants souffrant de troubles complexes du langage (annexe XXIV), ni pour les CLIS ou UPI. Selon les endroits, celles-ci pourront scolariser un enfant souffrant de troubles complexes du langage avec d'autres enfants, mais avec un projet individuel, soit regrouper dans une classe plusieurs enfants souffrant de ces troubles.
Pour permettre que soit mis en place, dans chaque département, un dispositif de prise en charge souple et adaptable, la mission propose différents moyens :
  • Deux enquêtes nationales (...) : une enquête de prévalence des troubles complexes du langage selon leurs formes (...), une enquête d'inadéquations, recherchant les enfants souffrant de troubles complexes du langage sévères dans les CMPP, les IME pour déficients mentaux, les instituts de rééducation, les hôpitaux de jour, les CLIS, (...).
  • Une réforme de la tarification des établissements et services pour enfants handicapés (dotation globale) conjointe à une harmonisation des tarifs laissés à charge des parents selon que l'enfant est rééduqué en libéral, en ambulatoire ou en établissement devrait permettre une neutralité dans la construction des projets individuels de prise en charge.
  • (...) La construction d'un plan départemental de prise en charge des troubles complexes du langage. Un sous-groupe de Handiscol pourrait (en) être chargé (...).
  • La formation, des enseignants, des psychologues scolaires, des orthophonistes, des médecins de santé scolaire et de PMI, selon les missions qui leur seront confiées dans cette chaîne de prise en charge doit être revue et actualisée (...
(...) Ce rapport inaugure donc une approche qui mériterait d'être étendue à l'ensemble de la question des handicaps...
(...)
 
Mise à jour : 24/09/02

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