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NOMENCLATURES ET HANDICAPS

aspects historiques


  Cette présentation de la nomenclature des handicaps comprend deux chapitres :
- I. Autour de la loi de 1975. La nomenclature des déficiences, incapacités et désavantages.
et page suivante
- II. Vers la loi de 2005. Au delà de la nomenclature des déficiences, incapacités et désavantages.

 

I. La nomenclature des déficiences, incapacités et désavantages

Autour de la loi de 1975


Une nomenclature ou une classification des handicaps reflète nécessairement une certaine conception du handicap et de la place du handicap dans la société. Or la philosophie du handicap a évolué au cours des années, et par voie de retour certaines nomenclatures en usage font l'objet de critiques et de remises en cause…

Nous nous proposons de situer dans cette perspective la "nomenclature des déficiences, incapacités et désavantages" fixée par l'arrêté du 9 janvier 89 et officiellement utilisée par les commissions de l'éducation spéciale. Nous tenterons ensuite de repérer les insatisfactions et les nouvelles pistes de réflexion qui marquent ces dernières années.

Voir des extraits de l'arrêté à la page : Nomenclature des handicaps. Texte officiel
et le texte complet de l'Arrêté sur le site : http://daniel.calin.free.fr/textoff/nomenclature_1989.html#def.7

 

1) La loi d'orientation de juin 75

La loi d'orientation de juin 75 "en faveur des personnes handicapées" avait pour objectif fondamental d'organiser et de développer l'aide sociale que l'Etat a le devoir d'apporter aux personnes handicapées, dans le cadre de la solidarité nationale. Cette loi de 75, pour l'essentiel, organise le secteur handicapé, répondant ainsi aux urgences de l'époque. Elle ne propose pas de définition du handicap, mais elle s'efforce par contre d'en intégrer une conception non limitative, prenant en compte la personne handicapée comme telle, ses capacités et ses difficultés d'insertion. Concernant les enfants, par exemple, elle vise à développer de manière large les actions conduites aux niveaux thérapeutique, pédagogique et éducatif.

UNE DEFINITION DU HANDICAP ?
Handicap : en son sens le plus général se définit comme un désavantage, une infériorité. Il n'est pas spécifique mais dépend de l'environnement.
La loi de 1975 ne propose pas de définition du handicap plus précise que celle énoncée ci-dessus, ce qui peut sembler être une volonté du législateur pour ne pas restreindre son champ d'application
Et le 3 avril 1975, lors des débats autour du vote de la loi, Simone Veil, ministre de la Santé, avait tranché : "Sera désormais considérée comme handicapée toute personne reconnue comme telle par les Commissions départementales"
(Romain Liberman, "Handicap et maladie mentale", Que sais-je, pages 36-38.)
La Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 propose une définition intégrant la situation de désavantage que représente le handicap "Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant." (Art 1 - Art. L. 146-1 A)

La "nomenclature des déficiences, incapacités et désavantages" fixée par l'arrêté du 9 janvier 89 et utilisée par les commissions de l'éducation spéciale se situe exactement dans cette perspective

2) Un outil de travail

Une nomenclature définit et organise l'ensemble des termes utilisés dans un secteur donné. Elle est un outil destiné le plus souvent à des professionnels ou à des spécialistes pour faciliter leur tâche et leur permettre d'atteindre un certain nombre d'objectifs et cet outil est rarement neutre.
L'objectif déclaré de la nomenclature de 89 est de permettre aux professionnels de classer les populations handicapées en grandes catégories en vue de faciliter et d'harmoniser les décisions d'orientation des personnes handicapées ou d'attribution des allocations. Elle permet de bien cibler ces populations, auxquelles la loi de 75 confère un statut. Et accessoirement, elle a également pour fonction de rendre possible un travail statistique, en proposant aux chercheurs un langage commun.
Annexe - présentation générale
La nomenclature des déficiences, incapacités, désavantages (...) a été conçue pour répondre aux besoins de tous ceux qui observent et analysent la situation des personnes handicapées (...). Elle doit permettre de répartir en grandes catégories les populations handicapées, notamment celles qui fréquentent ou sont susceptibles de fréquenter les établissements spéciaux, ou celles qui bénéficient de prestations ou d'allocations.
Arrêté - article 1er
Elle est nécessaire pour améliorer le recueil statistique des informations, leur comparabilité nationale voire internationale. Elle renforce l'intérêt des études épidémiologiques du handicap par l'utilisation d'un langage commun

3) Un point de vue sur le handicap
Cette nomenclature ne prétend donc pas à être utilisée comme un outil d'analyse pour une meilleure connaissance du handicap. Il est même précisé qu'elle s'applique "à l'étude d'une population déjà reconnue handicapée."
Cette prudence, toutefois, ne signifie pas que ses auteurs n'auraient pas opté en faveur d'une certaine vision du handicap. De fait, la nomenclature reprends très explicitement la classification internationale des handicaps proposée par l'OMS (Organisation mondiale de la santé), comme l'exprime son titre.
Annexe - présentation générale.
Inspirée étroitement de la classification internationale des handicaps - CIDIH - proposée par l'organisation mondiale de la santé, elle en suit les principes généraux et, en particulier, l'organisation selon trois axes : l'axe des déficiences, l'axe des incapacités, l'axe des désavantages (traduction française du terme anglo-saxon " handicap ").
Cette nouvelle nomenclature présentée ici se distingue de la classification internationale des maladies (CIM) : elle analyse les conséquences de ces maladies, conséquences lésionnelles, fonctionnelles ou situationnelles.
L'originalité et l'intérêt de la classification de l'OMS est de se démarquer d'une définition du handicap qui resterait trop exclusivement centrée sur la déficience, c'est à dire sur l'aspect lésionnel du handicap. A cette vision trop réductrice, l'OMS oppose une autre façon d'appréhender le handicap, qui considère moins la déficience elle-même que les conséquences qu'elle entraîne pour la personne.
La nomenclature officielle des handicaps de janvier 89 reconnaît donc trois niveaux dans le handicap : la déficience, l'incapacité engendrée par la déficience et le désavantage qui en résulte pour la personne. Au sens strict, le handicap est le désavantage qui correspond à l'aspect situationnel du handicap : situations de dépendance physique, de dépendance économique ou "de non-intégration sociale comme les relations perturbées ou l'isolement social, etc. (voir tableau ci-dessus).
NOMENCLATURE DES HANDICAPS - CLASSIFICATION OMS

DÉSAVANTAGE

OU : HANDICAP PROPREMENT DIT

Désavantage social résultant, pour l'individu, d'une déficience ou d'une incapacité et qui limite ou interdit l'accomplissement d'un rôle normal Handicap
- d'orientation (par rapport à l'environnement)
- d'indépendance physique (dépendance d'une tierce personne)
- de mobilité
- d'activité occupationnelle
- d'intégration sociale- d'indépendance économique
INCAPACITÉ
Réduction partielle ou totale de la capacité à accomplir une activité Incapacités concernant
- le comportement (acquisition des connaissances, relations…)
- la communication (communication orale, visuelle, écrite…)
- les soins corporels- la locomotion. Etc...
DÉFICIENCE
Altération d'une structure ou fonction psychologique, physiologique ou anatomique Déficience intellectuelle (retard mental…)
Déficience du psychisme (conscience, comportement…)
Déficience du langage et de la parole
Déficience auditive. Etc...

La nomenclature de 89 reprend très littéralement cette approche du handicap et l'on s'en est félicité. Outre le fait de permettre une meilleure connaissance épidémiologique du handicap et de faciliter la prise de décisions au bénéfice des personnes handicapées (orientations, allocations), elle intégrait la dimension sociale du handicap. Les membres des commissions de l'éducation spéciale étaient conduits à considérer la personne handicapée dans son contexte de vie et les professionnels appelés à l'utiliser étaient invités à penser leurs actions à partir de la personne handicapée, de ses ressources et des difficultés qu'elle rencontre dans son environnement.
La personne handicapée ne se réduit pas à son handicap.
  On notera que cette nouvelle nomenclature était particulièrement intéressante en ce qui concerne le handicap mental, que l'on avait trop souvent tendance à confondre avec le retard mental. En fait le handicap mental peut être engendré par des déficiences de différentes natures, qui se manifestent davantage au niveau de l'incapacité ou du désavantage, qu'au niveau de la déficience au sens strict. Ces précisions sont particulièrement importantes à une époque où le nombre des enfants souffrant de retard intellectuel proprement dit parait être en régression, alors qu'on rencontre en revanche de plus en plus d'enfants atteints de troubles psychiques. Beaucoup d'enfants qui ont une réelle autonomie cognitive présentent pourtant d'énormes problèmes d'identité ou de comportement et dans de nombreux cas, on peut considérer qu'ils sont handicapés, au regard des normes officielles, sans pour autant qu'ils souffrent d'un retard mental. Leur déficience est d'un autre ordre.

4) Note sur le Q.I.
Le Q.I. est l'un des outils des psychologues, et notamment des psychologues de l'éducation nationale, pour exprimer l'efficience intellectuelle d'un enfant.
L'arrêté relatif à la nomenclature des handicaps (voir ci-dessus) précise que les définitions retenues pour les retards mentaux correspondent à celles proposées par l’OMS. On considère qu'un QI entre 50 et 70 correspond à un retard mental léger et qu'un QI compris entre 35 et 49 correspond à un retard mental moyen.
On restera toutefois attentif au fait que le QI n'est pas une "mesure de l'intelligence" mais un "indice de dispersion" qui situe la place de l'enfant parmi la population des enfants : il permet de comparer l'enfant à la population des enfants de son âge et de situer le rang de l'enfant parmi cette population. Voici un tableau permettant de situer le rang de l'enfant par rapport à son QI :
Q.I.
85
90
95
100
105
110
115
120
125
130
135
140
145
Note standard
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
Rang sur 100 enfants
84
75
63
50
37
25
16
9
5
2
1
4/1000
1/1000
La moyenne est de 100 et la déviation standard à 15 ; 50 % des individus obtiennent un QI entre 90 et 110. Un enfant qui a un QI de 140 serait classé 4ème sur 1000, un enfant qui a un QI de 110 serait classé 25 ème sur 100, etc.

Voir "l'examen psychologique" sur http://www.chez.com/expressiongeneraliste/SOIREES/DOCS/surdoue/pages/qi_tests.htm#examen%20psy

Un document sur le WISC V
Le WISC-V dans la pratique clinique
ANAE - n° 169 -sécembre 2020
Commander le N° 169                
NOTE COMPLEMENTAIRE

CLASSIFICATION AMERICAINE ET CLASSIFICATION FRANÇAISE.

Les classifications médicales françaises et américaines relatives aux troubles mentaux n'adoptent pas les mêmes points de vue. Voici quelques commentaires - déjà anciens - de psychiatres français à propos des classification américaines :

"La classification américaine multiaxiale (DSM-III) a le défaut d'être exclusivement symptomatique, descriptive, d'origine comportementale, gênant une évaluation clinique porteuse nécessairement d'une orientation et d'un pronostic". (Romain Liberman,op. cit., p 94).

"La démarche objective (de la DSM-III) vise à définir la présence ou l'absence de critères diagnostiques. (…) Elle devrait rendre plus facile les comparaisons de cas et les évaluations des résultats thérapeutiques. (…) Mais on peut penser que la compréhension dynamique et relationnelle a été négligée au profit d'une échelle descriptive d'items comportements." (Serge Lébovici "La classification des troubles mentaux", in "Traité de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent" PUF, 1985, III p 586-8).

En d'autres termes, la classification américaine se contenterait de décrire les comportements sans chercher à remonter aux causes des troubles. Mais d'aucuns pensent que dans la mesure où l'on ne connaît pas avec certitude l'origine des troubles cette attitude est la plus prudente. C'est notamment le cas d'un certain nombre de parents d'enfants autistes, qui remettent en question de manière radicale la "Classification française des troubles mentaux de l'enfant et de l'adolescent" (CFTMEA).

Une défense de la classification française

Le Dr Christian Vasseur, président de l'Association française de psychiatrie, répondait à ces attaques dans "Le Quotidien du Médecin" du O6/06/02. On y lit notamment :

"1) Loin de s'inscrire dans une opposition à la classification internationale (CIM 10), les auteurs de la classification française ont mené leurs travaux en liaison étroite avec le centre collaborateur de l'OMS (...).
2) A l'occasion de la récente révision de la classification française, les correspondances avec la CIM 10 ont été améliorées : la catégorie « psychoses précoces » a reçu la dénomination conjointe « troubles envahissants du développement » utilisée par la classification internationale (...). Quant au diagnostic d'autisme, il se fonde sur des critères cliniques semblables à ceux de la CIM 10.
3) Les deux classifications établissent (...) une claire distinction entre les troubles qu'on vient de citer et ceux qui, dans une autre catégorie clinique, sont classés « dysharmonies évolutives » et « troubles de la personnalité » : la confusion dénoncée entre ces cadres est donc sans fondement.
4) Le recours aux psychothérapies et à la psychanalyse n'est en rien dépendant de la classification utilisée : l'usage de la CIM 10 ne le fait pas exclure. Ajoutons à ce propos que l'intérêt porté par les parents aux composantes neurologiques et aux handicaps est légitime, les pédopsychiatres français ont appris à les prendre en compte, mais ils savent aussi reconnaître que l'enfant autiste est atteint dans son humanité et traversé parfois par des souffrances indicibles ; il importe d'intervenir, sous cet angle, par des actions de soins d'orientation psychothérapique. Celles-ci trouvent d'ordinaire place dans des approches multidimensionnelles incluant l'éducation, la pédagogie, l'aide à l'environnement, les médicaments si nécessaire (...)."

(in Autismeactus. Documentation Autisme-Alsace. Voir http://www.autismeactus.org/actus/print_news.php?news=130 )

 
Mise à jour 03/09/05

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